Et ces virages aussi, il n’y avait pas idée, troisième, seconde, on ne savait jamais, le sous-régime systématique en sortie de courbe, rétrograder, accélerer, encore, il traversait le bourg haut à présent, c’était étonnant ce village, il y avait le centre historique un peu en hauteur et la ville basse séparée, née autour de l’aciérie et de la rivière sans doute, on était entre les deux maintenant, les virages avaient recommencés. Est-ce que ça pouvait avoir le mal des transports, un chien ? Il le regarda du coin de l’oeil, voir s’il n’avait pas le teint cireux, des renvois, quelque chose, ce n’est pas facile de savoir si un chien a la nausée. Non, il s’était applati de nouveau sur le siège, le titus, une chaussette, il en avait sans doute eu marre de finir la truffe dans la porte à chaque coup de volant, mais il avait l’air serein, respiration légère, patte souple, œil vif. Monsieur Kaufer, il les avait parcourus pendant des décennies, ces virages, pour descendre à l’usine depuis cette maison du haut, jusqu’à la retraite, et puis il s’était accroché, accroché et accroché encore. Madame Kaufer était morte depuis des années, il ne voulait pas la rejoindre. C’est l’administration centrale qui avait fait descendre le dossier, les auto-saisines, c’était traité par Paris, plus délicat que la saisine par la famille ou par la cible elle-même, le circuit de validation du dossier était renforcé. Mais il ne fallait pas encombrer non plus, sinon, c’était bien la peine, de lancer le programme, de franchir un pallier, si c’était pour le vider de son efficacité derrière par des mesures d’application trop strictes, commission collégiale au sein de la direction de la sécurité sociale, validation par le juge et zou, papi mami, noël, c’est fini. Ils longeaient la rivière maintenant, la voiture, le chien et lui, un bonne petite voiture, la Savoie, c’est fini pour aujourd’hui.