Avec cette femme la réalité ne s’est pas conduite comme il l’aurait voulu, comme ils l’auraient voulu sans doute, elle avait lancé la bouilloire électrique, un trou n’avait cessé de se creuser entre eux, jusqu’à faire un de ces fonds de vallée dont on ne voyait pas le fond, elle avait juste dit, ah, c’est toi, en ouvrant la porte, et maintenant il était impossible de se parler, de s’entendre d’une montagne à l’autre, par dessus le tumulte du torrent des années, on n’entendait plus rien, l’eau commençait à chauffer. Peut-être qu’elle avait dit, tu veux un thé, il n’en était pas très sûr, il n’écoutait pas vraiment depuis qu’il était entré, jouait la défense, un coup pour un coup, oui, c’est moi. Elle était encore bien vive, sa mère, avec ses petites baskets de mi-vieux, les mi-vieux se remettaient aux baskets, les salaud ne voulaient rien lâcher, elle avait déjà disparu de la pièce pour aller fermer un volet (il s’était remis à pleuvoir de travers, protéger les carreaux). Le chien était resté dehors bien sûr (qu’est ce que c’est que ça, enfin ? il n’entre certainement pas ; bien sûr maman), c’était mieux pour lui, c’est mieux pour toi le chien, là dedans c’est que du perdu d’avance. Bien sûr, bien sûr, toujours, bien sûr sur tout, éviter de voir son visage se raidir, danser à la cadence sans vouloir toucher au rythme, sinon, paf, paf le fils. Elle était revenu, violente de calme sourd, elle allait enchainer sur le prochain coup, alors, comment ça va ton travail. ça va maman, prévenir l’atterisseur qui allait devoir s’en charger, de la pie, mettre un mot dans le dossier, ne pas essayer de lui parler avant. La tasse de thé était servie maintenant, la vapeur s’en échappait en volute, peut-être la balancer dans le micro-onde, peut-êter hurler, c’était la tasse avec le bouquetin, sa mère le regardait bien droit.
