Ils roulent sur la nationale, les oreilles baissées. Un fond de tristesse a envahi l’automobile. Landau machouille, nerveux, la chien se lèche. Il pleut de façon erratique à présent, on ne sait plus à quel saint se vouer, l’eau vient de travers et puis l’instant d’après elle claque sur le pare-brise, c’est un chaos. Les maisons sont encore plus laides que d’habitude, les montagnes tirent vers le noir, il est trois heures de l’après-midi. Elle doit être devant la télévision, la pie, concentrée, concentré de vieillesse enragée, avec les pieds sur son coussin, ce sera sans doute un téléfilm, mais comment as-tu pu, Owen, je ne suis qu’un homme Linda, oh owen. Des vaches surnagent dans un pré boueux sur la droite et regardent passer la voiture, la voiture les ignorent, superbe. Tu vois, ça aurait pu être toi, là, dans la nature hostile, le chien, alors tu arrêtes maintenant. Achille en a marre que le chien soit triste car le chien est triste, bien sûr, l’amour est triste, il pense à la rivière, à madame Pinot, cet animal à grand yeux qui avait l’air si fragile et gentil, en plus elle lui avait montré des photos de chiens. Elle est tombée toute seule, le chien, je n’y suis pour rien (pour une fois, eh, eh) (arrête, devait penser le chien, pensa Landau). A l’entrée de la ville, ça bouchonne, pare-choc contre pare-choc, il faut passer l’Arve, le pont de pierre, le centre d’une sous-préfecture laide, ça se mérite quand même. Il pense à Genève, au calme bleu sur le lac, aux Suisses, à la mollesse de jours, manque d’écraser un type qui se jete sur le passage pieton, fumier, dépasse le lycée, regarde, c’est là que j’allais à l’école, le passage à niveaux et s’engage dans le chemin qui monte vers la maison. Trentes secondes plus tard, les mains moites, le ventre crispé, il fait déjà moins le malin, Landau, quand il passe le portail de sa mère.
